up, down, up, down, up ...

Je n’ai pas trop de souci pour me lever avant 6 heures - pour l’instant. Dès 6h30, chuis toute propre et habillée, j’ai savouré mon petit-déjeuner, et je déguste un café noir brûlant sans sucre avec une cigarette sur les marches de la maison. Il fait plutôt doux, la lumière est douce aussi. Ce matin, j’ai vu un écureuil passer sur le trottoir d’en face, suivi d’un pigeon, tandis qu’une mouette volait à 5 ou 6 mètres de hauteur en suivant scrupuleusement le tracé des rues et des avenues. Le bourdonnement de la ville vient de quitter le « white noise » de la nuit (bruit blanc, donc bruit de fond peu gênant) pour s’intensifier quelque peu. Certes le silence total n’existe pas dans une grande ville, à commencer par le ronron des climatiseurs partout aux fenêtres, mais aussi les voies express qui encerclent l’île, les avions au loin, quelques hélicos … J’aime bien, en fait, et je réalise que j’avais des envies urbaines depuis quelque temps, même si j’adore vivre à la campagne.



Me voilà donc dans de bonnes dispositions pour partir prendre le métro entre 7h15 et 7h20, même si je n’oublie pas que j’ai un genre de revendications à présenter, hein (un peu plus de clarté et de cohérence dans mon emploi du temps). Il fait beau, on sent déjà qu’il va faire chaud. En sortant de la station à la 167ème, le Bronx d’ailleurs sent mauvais. La chaleur fait ressortir les odeurs des ordures qui ont attendu toute la nuit sur le trottoir avant d’être collectées tôt le matin. Les New Yorkais ne mettent pas leurs sacs poubelles dans un container ; ils les entassent sur le trottoir. L’autre soir tard à Brooklyn, Alessandra et moi sommes descendues du bus pour littéralement atterrir dans le tas d’ordures. Nice!

Globalement, je mets entre 25 et 30 minutes porte à porte pour arriver au collège. Cette fois-ci, un petit-déjeuner nous attend! Bagels, café, jus de fruits, cakes … Je me contente d’un jus de pomme, il fait déjà trop chaud à mon goût pour avoir envie de se farcir avec du pain ou des gâteaux. Et cette fois-ci, tous les profs sont là ; quelques nouvelles têtes pour moi, donc. Jo., l’un des trois principaux adjoints (3!!), attaque d’entrée en nous faisant manipuler un « smart phone« . C’est donc un genre de téléphone connecté au smart board ; on utilise son clavier pour répondre à des questions affichées sur le tableau intelligent, puis quand tout le monde a répondu, un petit coup de doigt sur l’écran du tableau affiche un fromage de statistiques. L’activité nous sert ici d‘ice-breaker (pour briser la glace, terme très utilisé en pédagogie ici), et nous montre donc ce que nous pourrons faire de ce formidable petit outil en classe. Les questions sont du style : « Êtes-vous présent? », une seule réponse à choisir entre « Oui », « Non », « Plus ou moins », « Je pète la forme! » et « J’aurais aimé que le réveil sonne plus tard ». Y’a toujours un petit malin pour répondre « Non », et tout le monde rigole.

S’ensuit une série d’interventions très courtes, très denses, débitées par des intervenants différents qui tous semblent participer à un concours du débit le plus rapide (ça existe!), abordant des sujets que je sais super importants mais où je n’accroche qu'un mot sur trois. Je surnage à peine dans ce flot d’informations et de mots spécifiques nouveaux pour moi. Heureusement, on nous a distribué pleins de docs écrits auxquels je peux me référer pour savoir à peu près où on en est. Je remarque simplement et sans surprise que ma compréhension et mon expression orales sont totalement dépendantes de mon énergie, et il y a vraiment des moments dans la journée où je me fais rapido repérer en demandant de répéter trois ou quatre fois, ou en me mettant à ne plus accentuer les syllabes (très important, l’accentuation en anglais!). Il est 10 h, et je gagatte déjà un peu, c’est quand même pas bon signe, ça …

10 minutes de pause, puis nous nous réunissons par académie. Je n’ai pas encore bien compris le concept d’académie, mais j’ai des données techniques. Il y en a trois, chacune regroupant environ 200 élèves, et chapeautée par l’un des principaux-adjoints. Elles se réunissent au moins une heure et demie par semaine pour travailler ensemble la progression des leçons, le suivi des élèves, etc … J’appartiens à la GLOBE, j’aurais tout aussi bien pu faire partie de la Multicultural, et il y a aussi la POWER. GLOBE et POWER sont des acronymes … dont je vous donnerai l’explication ultérieurement … z’ai pas tout retenu … En tout cas, on revient un peu en détail sur des sujets abordés en assemblée plénière, et je peux poser quelques questions, comme « Les élèves ont-ils un carnet de liaison? ». Visiblement pas, puisqu’on me demande d’expliquer ce que c’est. Ils trouvent l’idée super, mais non … y’en a pas …



Vers 11 heures, on a quartier libre, qui jusqu’aux réunions de l’aprem, qui jusqu’à 15 h, pour installer sa salle, chercher et trier du matériel, des bouquins, toussa. On m’a attribué la salle 123 (j’aime bien, ça sonne comme dans « 1,2,3, partez!!« , ou mieux encore … « 1,2,3, soleil!! »), que je partagerai avec Mat., un prof de maths, comme son nom l’indique.

La salle est grande, c’est une ancienne salle de musique qui a servi à des cours de gym ces deux dernières années. Y’a pas la clim’, et je commence à comprendre qu’il se pourrait que j’y fasse cours en même temps que Mat. y enseigne les maths. J’ai du mal à visualiser la chose, mais faudra que je m’adapte à cette idée. Puis je remarque que sur mon emploi du temps, la salle 123 n’apparaît jamais! J’irai en 133, 223, 227, 229 … mais jamais en 123. A y’est, ça commence à me monter au nez. Pourquoi est-ce que je m’escrime depuis 20 minutes à trier et ranger ces paquets de bouquins français, presque tous neufs, si je ne suis jamais là? Ne serait-il pas plus judicieux que j’attende un peu et vois dans quelle salle il serait plus utile de les stocker? Mmh? Oui, sans doute, mais non, car là, c’est le grand ménage ; tout le monde est dans sa nouvelle salle (car tout le monde a déménagé, ou plutôt, a été déménagé - je ne sais pas pourquoi, mais je sais qu’il y a des grincements de dents). Du coup, tout le monde se retrouve avec tous les bouquins du collège qui ont été stockés un peu partout, et chacun fait son tri : tout ce qui part à la poubelle s’entasse dans les couloirs. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’au beau milieu de ces tas, de ces cartons, il y a des bureaux cassés, des étagères démolies, des livres flambant neufs, du matos de sport qui a pourtant l’air en bon état, des classeurs d’élèves, un ventilo, des cahiers d’exercices jamais utilisés par les élèves, des collections de dvd … Et dans la journée, on continuera de m’apporter des livres français d’un peu partout … ET … je découvrirai la salle où enfin, je trouve quelque chose qui ressemble à un manuel scolaire d’enseignement du français langue étrangère et deux ou trois petits livres de pédagogie du fle … OUF! (Il est 15h30 quand je les trouve ..)



Mais je n’ai toujours pas de réponses à certaines questions : où peut-on faire des photocopies? Pourrais-je avoir les clés des salles (et des toilettes aussi, figurez-vous)? Et enfin, pourrait-on discuter de mon emploi du temps? Où puis-je ranger mes affaires, puisque tout le monde m’avertit de ne surtout pas laisser traîner mon sac, mes sous, mon portable, mes clés ..? J’ai eu mes réponses, tout va bien, mais je dois admettre que vers 11h30, j’ai un coup de blues : pas de clés, désolés, on va essayer de vous en faire dans la journée, ou demain / Euh, on sait pas pour les photocopies (c’est une Principale Adjointe qui me dit ça) / Oui, c’est vrai, il y a des incohérences dans cet emploi du temps, mais bon …. / Ah bon? Vous n’êtes jamais dans la salle 123? Ah oui, c’est embêtant …. / Ben vous mettez votre sac dans un casier dans la salle 123 … Ah oui, y’a pas de cadenas!
Parlons franc, je trouve que c’est un bordel sans nom, et je me sens démunie! Je croise un ou deux collègues qui me demandent comment ça va, et quand je veux répondre « Well, I’m a little lost« , ça se coince dans la gorge.


Une pause clope en douce, et ça repart. Après un déjeuner tronqué, j’aide Mat. à trouver des tables (il n’y en a pas une seule!!) et à les transporter. On arrive à s’en dégotter une douzaine, plus deux tables rondes pouvant accueillir quatre élèves chacune. Le compte n’y est pas pour des effectifs de plus de 30 par classe …! Mais y’a plus de tables. On se trouve aussi 26 chaises : on pique toutes celles qui traînent dans les couloirs. Et enfin, on se dégotte un tableau interactif de l’âge des dinosaures dans les coulisses de la scène de l’auditorium …

C’est le Bronx!!

A 15 h, on peut partir si on veut. J’ai mes clés. Mes documents vont être photocopiés dans le bureau des parents (les parents d’élèves ont un bureau ouvert tout le temps de l’année scolaire, je trouve ça assez génial en fait). Au vu des inscriptions enregistrées ces derniers jours, on apprend en fin de journée la création d’une 6th grade supplémentaire, et c’est une bonne nouvelle pour moi, car on me l’attribue pour 4 périodes minimum par semaine - et du coup on va peut-être me retirer les classes que je ne voyais que 40 minutes par semaine, en attendant de trouver peut-être une solution plus cohérente.

Enfin, cerise sur le gâteau, Ty. m’a obtenu le mail de la prof de français que je remplace.

Au cours de cette journée, je l’avoue sans honte, j’ai eu un bon coup de blues pendant une petite demi-heure. Pourquoi? Je ne sais pas trop. C’était pas le mal du pays, c’était pas la frousse du lendemain face aux gamins. C’était sans doute la frustration de ne pouvoir me préparer au mieux pour le lendemain, sans doute. Ce type de public ne me fait pas peur, mais je sais par expérience qu’il est hors de question de foirer le premier contact. Or … sans clé pour ouvrir la salle … sans vraie salle d’ailleurs, sans photocopies pour ma première leçon … sans comprendre certaines procédures de la rentrée … sans assise …. tu trébuches devant les gamins. Dans les collèges « lambda », ça te prendra éventuellement une semaine ou deux pour rattraper ça. Dans une ZEP, ou dans le Bronx, ça peut te flinguer l’année …

Eh bien, au cours de cette journée, j’ai aussi pu remarquer tout le positivisme, le dynamisme, l’optimisme de l’esprit américain. C ‘est chouette! We can do it! Mais … euh … je l’ai remarqué aussi dans l’absence de réaction au moment de mon coup de blues … Pudeur? Peur d’une contagion négative? Mauvais karma?



J’aurai peut-être une réponse un de ces jours. En attendant, ma journée s’est bien terminée. En rentrant, je suis tombée sur Amber, ma voisine du dessous, une photographe qui connaît un creux dans sa carrière et essaye de s’en sortir. On a papoté une bonne heure, de tout, de rien, des Juifs, des Chinois, des USA, de l’économie, de Central Park et des blogs, de la difficulté à trouver du tabac à rouler dans New York (je galère!).

C’est l’heure de dîner et d’aller au dodo.

Demain les Kids!!


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Comments

  • Merci beaucoup! Oui, je vais continuer sans doute à venir vous raconter ici, en ajoutant quelques bulles de sorties, histoire d'alléger un peu le tout
    Je prends tous les encouragements avec bonheur.
    A bientôt!
  • Good luck with all of that...
    J'ai adore tes talents d'ecriture. Ca m'a etrangement rappelle ma premiere experience dans un lycee agricole en France (dans l'Eure). Au final, tout ce passe plutot bien... J'aimerais revivre ces moments.
    Je t'encourage vivement a tout deballer sur ce site. C'est un bon moyen de faire le vide de temps en temps, et puis c'est toujours enrichissant pour les autres... on peut se dire : "ouf, il n'y a pas que moi, finalement, qui galere..'
    Bon courage!
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