des nouvelles du front

Absolument, des nouvelles du front, je choisis mes mots.


Ça a commencé dès 8 heures ce matin. J’ai bien entendu des claquements dans la rue, mais je n’ai pas du tout réagi parce qu’en vrai, j’avais jamais entendu le vrai bruit d’un vrai flingue - que c’est n’importe quoi ce qu’on entend à la télé. Et donc, oui, nouveaux tirs exactement au même endroit que vendredi dernier, sauf que cette fois, les élèves étaient un peu partout aux abords du collège. Les adultes qui surveillent l’entrée le matin ont immédiatement fait rentrer tout le monde bien avant l’heure prévue et on a casé toute cette foule moitié excitée, moitié effarée dans l’auditorium en attendant l’heure du petit-déjeuner. Certains élèves se sont blessés en réagissant promptement pour se protéger, mais il n’y a eu aucune victime. Résultat : 2 à 4 flics postés toute la journée devant le collège. Seront-ils là demain? J’ai cru comprendre qu’au moins un des tireurs avait été chopé.


Aujourd’hui, je n’avais que les 7*a et les 6*a en classe seule. Les deux classes qui me donnent le plus de fil à retordre. Pour les deux, j’avais prévu de faire enfin mon cours à base de MC Solaar. Maintenant que j’y réfléchis, on va dire qu’en ce moment le terme « cours » n’est guère approprié … disons que j’avais prévu de faire quelque chose à partir de MC Solaar.


7*a
D’entrée de jeu, c’était clair que le gros de la troupe comptait mettre le boxon, ce qu’ils n’ont pas manqué de faire. Et comme je n’ai pas réussi à avoir une connection « propre » au smartboard, MC Solaar est resté dans le noir de mes archives. On m’a promis de m’envoyer l'un des deux informaticiens du collège, qui n’est jamais arrivé. Tandis que j’essayais de recoller les morceaux auprès des élèves désireux de faire du français en leur fournissant une activité écrite (toujours prévoir un plan B, et aussi un plan C et même Z), je devais gérer la panique grandissante d’un élève en pleine crise de diarrhée qui ne voulait plus aller faire dans les toilettes parce qu’elles sont « publiques », et qui malgré l’absence de l’infirmière, ne voulait surtout pas que l’on appelle sa maman parce qu’elle allait penser qu’il jouait la comédie pour rentrer à la maison. A vue d’oeil et à vue de nez, c’était évident que le gamin souffrait le martyr et ne tiendrait pas 5 heures de plus! J’ai bien vu que des filles quittaient la salle par la porte arrière, heureusement d’autres élèves ont collaboré en me donnant leurs noms. D’autres jouaient à se « cacher » dans des casiers ouverts, un autre avait récupéré en douce le ballon de basket que je lui avais confisqué au début, et jouait tranquillement avec un pote. Trois ou quatre faisaient mine de se battre à grand bruit tandis que des boules de papier (certaines fabriquées avec l’activité que je leur avais distribuée) traversaient régulièrement la salle. Dans ce « joyeux bordel », les plus sérieux ne cessaient de me solliciter pour des précisions, du vocabulaire, des corrections. J’ai fait assez rapidement mon choix = répondre à ces élèves-là, et choper de temps en temps l’occasion de dire un truc aux monstres, et de noter leu nom.


Il m’a ensuite fallu près de 10 minutes pour les faire sortir de la salle et les amener en Art Plastiques, où je devais les coacher avec le prof en question. Heureusement, JL est venu les chercher, et moi j’ai foncé à l’administration pour parler des 4 ou 5 filles qui étaient sorties plus de 15 minutes de mon cours. Je suis en fait directement tombée sur la principale, elle a noté les 4 noms que j’avais en ma possession et m’a rejointe en cours d’Arts Plastiques 20 minutes plus tard pour signifier à chacune de ces filles une heure de colle le lendemain. J’ai pu ainsi avoir quelques minutes de dialogue avec chacune d’entre elles, notamment avec la plus dure dont l’un des arguments était que le cours de français n’était pas fun, normal qu’elle fasse autre chose. La Principale lui a remis les pendules à l’heure puis j’ai rajouté mon grain en lui demandant comment elle savait que mes cours n’étaient pas fun? Hein? …. Vu que je n’ai jamais pu commencer la moindre chose …. Je l’ai mouftée sur ce coup-là (d’autant que j’ai rajouté que moi aussi, je cherchais à m’amuser en classe quand je préparais des activités, en revanche je n’avais certainement pas à ME justifier face à LEUR comportement), mais qu’elle se calme ensuite … rien n’est moins sûr!


Me restent à peine 40 minutes pour déjeuner, et j’enchaîne avec les…


6*a.
Là, ô joie, la connection à notre vieux smartboard du temps des dinosaures se fait à merveille, et deux élèves parviennent à me mettre le son. J’attends néanmoins que certains garçons se calment, reprennent leur place (Mat. leur a attribué de nouvelles places pour les séparer, mais malgré sa présence dans la salle, les gamins n’en font qu’à leur tête). C’est peine perdue, des filles se mêlent à l’hystérie adolescente mâle, m’envoient bouler quand je leur demande de s’asseoir correctement. Pendant ce temps, une dizaine d’élèves attend calmement que je lance la vidéo, et je pense pouvoir compter sur 7 ou 8 autres qui se laissent facilement distraire mais devraient se mettre au travail.


Pendant la première minute, les agitateurs semblent intéressés et le montrent en se levant et en parodiant des danses vaguement hip-hop, puis ils reprennent leur conversation. Mais quand même, ça les démange méchamment de me faire chier, alors ils poussent des hurlements pour couvrir la musique, réclament la version en anglais. Je reste hyper calme et note les noms. C’est dans un brouhaha surtout créé par eux que je passe de table en table pour que chacun puisse me dire en français s’ils ont aimé ou pas. Tous ceux que j’interroge ont vraiment aimé. J’ignore ostensiblement le groupe bruyant et enchaîne sur la petite activité écrite. Là, je ne les ignore pas, leur explique … pardon .. tente de leur expliquer ce qu’ils doivent faire et réponds ensuite uniquement aux sollicitations de ceux qui bossent. A la fin de l’heure, je réalise qu’au moins 2 perturbateurs étaient absents (en « detention »toute la journée) …. et ramasse une demi-douzaine de feuilles de leçon qui ont fini parterre. J’apprends aussi avec joie que deux des agités de ce cours seront en colle demain (exactement pour ce type de comportement), mais je vais demander qu’ils le soient aussi Lundi.


Je file fumer une clope salvatrice (si, si ) puis me rends à mon rendez-vous avec la Principale. En vrai, je ne sais plus trop quoi lui dire ni ce que je veux. Je ne veux pas lâcher l’affaire avec les 6*a ne serait-ce que pour Michelle ou Nazario, au hasard ; idem avec les 7*a, pour Steven (mon petit malade de ce matin) ou Husene, ou même pour Jocelyn qui a du caractère mais aime le Français. On parle de « pull-outs » (sortir des élèves de classe pour qu’ils fassent du français) tandis que les autres feraient de la technologie ou autre chose – mais moi, j’ai pas envie qu’on rajoute du taf aux collègues, tout dépend de comment on leur présente ça, et tout et tout quoi. Elle me propose aussi du soutien = un 2ème prof présent dans la classe, afin que je puisse aller de petit groupe en petit groupe pour certaines activités, par exemple. Enfin, je mentionne l’idée d’un « mentor » ; après tout, malgré mes 16 ans d’expérience, on peut quasiment considérer que je débute dans le métier, là! Moi je veux bien, surtout si Ja. accepte de le faire : elle est très très chouette, Ja., je le sais déjà. Et son emploi du temps lui permettrait de venir … sur un cours avec les 7*a. Yes!


Un nouvel emploi du temps se profile donc pour moi pour la semaine prochaine. Je relève le défi. Je garde en tête que, si des fois …, je peux en dernier recours demander à me faire retirer des classes.


Je m’apprête à vivre le vendredi, que je n’aime pas beaucoup : journée très chargée, avec une inconnue pour les deux dernières periods de la journée (qui furent cauchemardesques vendredi dernier). Je ne sais si j’aurai le temps de choper un des deux informaticiens pour qu’ils m’aident à résoudre un sérieux problème de fichiers audio - et j’en ai besoin pour mes cours!!


En attendant, je suis ce conseil tant de fois donné récemment : « Have a little glass of wine« .


(prochaine expérience, les Alcooliques Anonymes de New York?)

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Comments

  • Je fais mon bonhomme de chemin, je découvre que des "détails" m'ont peut-être bien fait perdre une semaine ou deux. Je commence à établir des contacts agréables et individuels avec des élèves, une classe en particulier fonctionne mieux que les autres aussi (quoique aujourd'hui, j'ai eu du mal avec eux). Et je m'installe peu à peu dans des positions plus fermes concernant les limites. Le collège nous fait rencontrer des formateurs qui observent ce qu'il se passe, puis interviennent et nous expliquent ensuite le cheminement, les mots à employer et ceux à bannir etc ... mais j suis fatiguée, oui! ;)
  • Marie-Virginie, comment allez-vous?
  • Marie-Virginie, où en êtes-vous? Comment se passe cette troisième semaine? Y a-t-il un progrès, ou êtes-vous épuisée? Amicalement, Catherine
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