nathalie monsaint-baudry's Posts (7)

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Article original publié en 2012 - édité en janvier 2016

Ça manquait, ça n’était qu’une question de temps. L’expression to think out of the box, a muté en français. On se demande d’ailleurs pourquoi...?

 

L’AMÉRICAIN MET TOUT AU CARRÉ

 

Si les Américains font constamment appel à cette expression comme une invitation ou une exhortation à être créatif, c’est bien parce qu’ils pensent comme s’ils étaient « dans une boîte », in a box. Une autre expression consacrée est : things will fall into place, c’est-à-dire qu’il y a une forme, un moule, un grid system préexistant à la pensée, prêt à recueillir celle-ci et à la formater comme dans un PowerPoint, ou un moule Tupperware en forme de charlotte déclinable à l’infini selon ce qu’on mettra en garniture à l’intérieur des boudoirs. Quadrature du cercle : le quadrillage du territoire américain, les blocks qui découpent les villes. Block letters, block head... On arrive à blockbuster, d’un type de bombe qui détruisit Münich en 1940, au film qui fait recette aujourd’hui...  de mental block à blocage ?

 

Les Américains s’invitent alors à ne pas avoir une boxed-in mentality, c’est-à-dire une mentalité à ornières, et à penser out of the box, à sortir de leur boîte pré-formatée. Ils recherchent des well-rounded personalities, de la rondeur, tout en trouvant pourtant qu’être square signifie être équilibré, juste, direct, sans équivoque : a square refusal ou bien square and fair ou encore a square deal. Des expressions comme : a square meal, qui vient du plateau-repas préformaté servi aux soldats américains pendant la deuxième guerre mondiale, signifie un repas bien équilibré et roboratif. La lunch-box des écoliers américains a pris le relais. Au sens large et appliqué à une personne, square signifie « bien », de confiance : a square person. To square things out, serait mettre de l’ordre, clarifier, mettre au carré. Si carré il y a, cela nous mène au rebord, the edge. To have an edge, a cutting edge, c’est avoir un avantage sur autrui. To push over the edge devient dangereux, on sort du cadre et de border à borderline, il n’y a qu’un pas. Pour dire beige en anglais on dit off-white, qui est en dehors de la case du blanc pur. On bascule alors dans le blanc et noir, le oui ou non, dead or alive, paper or plastic, cash or credit. Ça s’emboîte bien non ? It falls into place...

 

LE FRANÇAIS PENSE EN CERCLE

 

C’est précisément l’inverse chez le Français qui fonctionne à géométrie variable nommant déjà la France : l’Hexagone, qui n’en est pas un. Les Français essaient de mettre les choses au carré, ont plus d’un tour dans leur sac, et font le dos rond, ayant recours aux ronds de jambe. Ils pensent que le monde ne tourne pas rond, parlent d'affaires rondement menées, de tournure d'esprit, voire d’esprit mal tourné, sont les champions des ronds-points, n’aiment pas les empêcheurs de tourner en rond, arrondissent les angles, découpent leurs villes en arrondissements et ne peuvent pas s’empêcher de faire le tour de la question en permanence en tournant autour du pot. Certes nous avons le Carré Hermès, un pré-carré du luxe français... Mais on sert souvent le carré d'agneau en couronne non ?... Bref, nous aimons le flou artistique.  On tourne en rond là, non ? Alors pourquoi nous demander à nous Français de “penser en dehors de la boîte” ? C’est carrément nous mettre en boîte, j’en conviens... Circulez, y'a plus rien à voir...

 

 Nathalie Monsaint-Baudry, essayiste, auteure de Être Française et Américaine, cristallisations culturelles

Photographie personnelle de trompe-l'œil du 15ème siècle, de Luca Signorelli, la signature du peintre dans le Dome d'Orvieto, Ombrie, Italie.

Essai Être Française et Américaine, cristallisations culturelles,

Téléchargeable gratuitement depuis : www.monsaintbaudry.fr3438639141?profile=original

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v-7-1135807-1208780857.jpgComment une chanson se transforme selon la culture. Vous connaissez tous les paroles de la chanson Comme d'habitude de Claude François, et vous savez que Paul Anka, Sinatra, maintenant Robbie Williams, etc... l'ont reprise sous le titre de My Way... 

 
Je me suis amusée à regarder de près les versions française, italienne et américaine... Nous partons d'une chanson d'amour malheureux, mais qui reste néanmoins charnel, où les verbes sont passifs-négatifs, le contrôle du temps échappe au sujet, les couleurs sont grises et il y fait froid, on nous le rappelle deux fois, c'est donc qu'il a vraiment froid. La version italienne ne parle jamais de gris, il n'y fait pas froid et on y parle du bleu, le retard n'est plus de la responsabilité du narrateur, "il se fait tard", est fort différent du français "je suis en retard comme d'habitude". Là où le Français est dans le lamento de sa solitude, l'Italien se sent "inutile" mais, à l'instar de Calaf, le Prince inconnu de Turandot de Puccini, œuvre sombre s'il en est, qui dans l'aria Nessun Dorma, prononce le dernier mot avec conviction le répétant avec voix ascendante : Vincerò... Il "vaincra" la nuitla vincerò, alors que le Français "fera semblant", puis on bascule vers du charnel et l'amour physique en français, comme d'habitude... alors que l'italien reste prude, fleur-bleue, dans la tendresse...  pas comme d'habitude...     
 
Comme par magie, nous basculons dans la version américaine qui n'est plus une chanson d'amour du tout. Tour de force magistral de partir d'une chanson tristounette, dont la mélodie se languit, pour la transformer avec l'énergie qui donnera : My Way, A ma façon, s'adresse à : My friend, anybody, you and me, the universe... maintenant que la fin approche, je fais face, j'ai surmonté toutes les épreuves, je n'ai pas été épargné, j'ai si peu de regrets que cela ne vaut pas la peine de les mentionner, j'ai tout préparé, maîtrisé, parfois j'ai enduré plus que je ne pouvais... en cas de doute, j'ai toujours levé la tête et fait face, oui j'ai aimé, vécu, essuyé quelques larmes, il m'arrive d'en rire maintenant, timide moi ? c'est pas mon style, j'ai beaucoup encaissé oui, un homme ne peut vraiment que compter sur lui seul.... J'ai réussi à ma façon...
 
J'ai essayé de traduire le texte anglais en substance pour en donner la tonalité. Nous assistons alors à une self-eulogy. Une auto-proclamation d'une vie bien remplie, l'éloge funéraire célébrant l'accomplissement d'une vie maîtrisée, planned.  Point de sentiments, d'effusion...de Public Display of Affection... on tire sa révérence la tête haute, si peu de regret qu'on ne les mentionne à peine, les verbes d'action abondent et le je/ est bien le sujet du verbe, le narrateur américain en solo, dans son one man show, est complètement maître de son temps et de son discours puisque c'est lui qui donne le tempo d'emblée : And now the end is near... il s'adresse à son public, My friend, anybody, everybody... alors que les versions française et italienne plus intimes, sont des duos s'adressant à un Toi, Tu, d'autant plus présent qu'on en pleure l'absence... Autrui est plus important que soi... de quoi réfléchir... 
 
Le Francais est le plus malheureux des trois, les couplets : Tu ... ed Io, en italiensont l'écho de : Toi et tout seul,  en français, le sujet a disparu dans son mal-être, "sans bruit" "j'ai froid" comme si la vie l'avait quitté, à bout de souffle... Entre bruxisme, neurasthénie et hypothermie, on se demande s'il va chanter jusqu'au bout. C'est de l'ordre de la survie. Trop fusionné avec sa moitié, il ne peut vivre sans ce life support, alors que l'italien parvient quand même à courir, car toujours en retard ! et à vaincre sa nuit... du côté de la vie.
 
Bien entendu, la complainte française et italienne se languit pendant de longs couplets, alors que la version américaine bien bordée, in a nutshellwrapping it up, est "contenue" comme le sont les émotions... pas besoin de s'éterniser, reader's digest... Oublions les tremolo, la ritournelle, même les violons se gardent de grincer. Nous entrons dans la grandiosité de l'empowerment. Les actions sont révolues, nous sommes dans du problem solving.
 
Décidément, on est bien peu de chose...
 
Alors les Italiens, pas si fragiles que ça... et plus résistants dans leurs chagrins d'amour que nous... ? Quid de la version allemande, avis aux amateurs...
 
Quelle version êtes-vous ?
 
 Nathalie Monsaint-Baudry, essayiste
Auteure de Être Française et Américaine, cristallisations culturelles
Téléchargez gratuitement le livre dans sa version intégrale depuis : http://www.monsaintbaudry.fr
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the_artist_top_ten_list8.jpgPeu après l’euphorie justifiée qu’a suscitée The Artist, nous sommes amenés à creuser les facettes du succès d’une telle exception et de ce petit miracle du 7ème art. Là où deux des plus grands réalisateurs américains contemporains rendent hommage à Méliès et à Hergé à coups/coûts d’effets spéciaux, un jeune réalisateur français peu connu du grand public se permet une régression temporelle et chromatique. Moins on en dit, plus on en dit. Et ça marche.

Deux mises en abyme croisées qui nous renvoient par effet de miroir aux lacunes de nos cultures respectives. Les Français, habitués à la zone de flou, au non-dit, au sous-entendu, à l’insinuation, à la suggestion, à l’impressionnisme, au doute, au sfumato, jouent dans le registre du noir et blanc clivé de la syntaxe américaine. Tel un message adressé à des scénaristes américains à bout de souffle venant chercher “chez nous”, de quoi alimenter leur imaginaire. A way to remind the Americans : “ Hey guys, you had it all right there!”. Symétriquement, dans ce chassé-croisé, les visual effects et la 3D tentent d’ajouter de la profondeur par la technologie, là où l’histoire manquerait, aux yeux des Américains, de rondeur et de relief.

Bravo à nos “petits Français” d’être sortis de la frilosité nationale et d’avoir eu l’intelligence de think big en passant le bébé à la Weinstein company, pour laisser faire le “génie américain du marketing” et mener à terme l’accouchement médiatique de ce film tourné à Hollywood – “ça on sait pas faire” – tout en assurant que pendant le tournage, leur crew soit nourrie à Los Angeles par deux traiteurs français, les frères Meschin – “ça on sait faire”. Dans ces chassés-croisés, qui nourrit qui ?

Au pays binaire du paper or plastic, du cash or credit, du digital thinking, du decision tree, des yes or no answers, l’hommage français -- en noir et blanc -- rendu au cinéma américain, renvoie les Américains vers leurs nuances de gris inexplorées, leurs territoires en friche, comme Jacques Tourneur en son temps. À son retour aux États-Unis, Edward Hopper ne mit-il pas dix ans pour se remettre des couleurs françaises et pour se remettre à peindre avec sa propre palette : "America seemed awfully crude and raw when I got back. It took me ten years to get over Europe." (Edward Hopper: The Paris Years)

La culture américaine, digitale, tranchée, manichéenne, black and white, entretient un rapport complexe avec notre flou, notre fragilité, notre vulnérabilité, notre féminité. Peut-être est-ce là la prouesse de The Artist, que de rappeler aux Américains qu’en utilisant leur propre language, on peut ciseler un monde d’émotions tout en nuances dans un camaïeu de gris. Ce film muet n’a pas fini de nous parler et de faire parler.

 

Nathalie Monsaint-Baudry, essayiste.

Être Française et Américaine, cristallisations culturelles

Téléchargeable gratuitement depuis : www.monsaintbaudry.fr

Version papier disponible : Harvard Bookstore ISBN 9782953744705

Cambridge, MA USA

www.harvard.com/book/etre_francaise_et_americaine/

 

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pod9782953744705.jpgL’enfant-roi n’est pas un phénomène nouveau. Il est fondamentalement américain. Si dès 1886, Henry James fait dire à l’un de ses personnages que : « the young people are eating us up, there is nothing in America but the young people. The country is made for the rising generation », qu’ils sont de véritables célébrités et qu’une littérature entière leur est dévouée :« The country is made for the rising generation; […] But the little boys kick your shins, and the little girls offer to slap your face ! […] maturity will evidently be at an increasing discount.[…] ought to have called it "The Children's Century." They are little celebrities; they have reputations and pretentions; they are taken very seriously. »” Il annonce la couleur en qualifiant déjà le 19ème siècle de "siècle des enfants". Ce n'est donc pas une découverte que de constater qu'effectivement, les choses de ce côté de l'Atlantique sont bien différentes de "chez nous", et cela n'est pas né avec les electronic leashes, avatars de jeux de rôle, ni depuis les mouvements contestataires des années 60. C'est bien en amont qu'il faut creuser.

Dans mon essai, qui est le fruit de 17 années de résidence américaine, je tente de comprendre « pourquoi ». Je fais appel à la linguistique,  l’anthropologie, à la philosophie, et aux plus grands auteurs qui ont été témoins de la société américaine. La naissance de la famille nucléaire au 18ème siècle, la nature même du déracinement culturel américain, son nomadisme, ont façonné une culture de la séparation, du détachement. Ainsi, comme le constatèrent déjà Chateaubriand et Tocqueville au début du 19ème siècle, l’esprit dit « de famille » n’existe pas en Amérique.

« Ce qu’on appelle l’esprit de famille est souvent fondé sur une illusion de l’égoïsme individuel.” de Tocqueville, Alexis, De la Démocratie en Amérique

« L’esprit de famille existe peu ; aussitôt que l’enfant est en état de travailler, il faut, comme l’oiseau emplumé, qu’il vole de ses propres ailes. De ces générations émancipées dans un hâtif orphelinage et des émigrations qui arrivent de l’Europe, il se forme des compagnies nomades qui défrichent les terres, creusent les canaux et portent leur industrie partout sans s’attacher au sol ; elles commencent des maisons dans le désert où le propriétaire passager restera à peine quelques jours. » Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII.

Ainsi la famille américaine est-elle davantage une juxtaposition d’individus non fusionnés comme chez nous dans un “livret de famille” (il faut noter qu’en France, les enfants figurent sur le passeport des parents longtemps avant d’avoir le leur). Le bébé américain quant à lui, obtient son numéro de Social Security et son passeport, clairement individué, il fait partie d’une famille dont le patronyme s’accorde au pluriel : the Millers, the Redfords, ainsi marque-t-on bien la pluralité des membres et non la fusion familiale. Le mariage est davantage un partenariat au sein duquel chacun aura un rôle précis à jouer : taking the trash out, soccer mom, barbecue party, etc... Les familles recomposées (combined families) sont ainsi plus naturelles à la culture américaine, chacun étant un électron libre, allant de planète en planète.

 

“La solitude dont les Américains étaient environnés a réagi sur leur nature ; ils ont accompli en silence leur liberté. »

Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII.

 

De cette solitude -- contre nature pour nous Français (Italiens, Latins) qui sommes des cultures du lien, de la calligraphie, du legato, une langue de la liaison -- découle chez les Américains un besoin constant d’être rassurés. You bruised my self-esteem, don’t over react, no hard feelings, I am sorry if I hurt your feelings. Ainsi, les “body parts” sont touchées, mais pas le coeur même de l’individu. Nous ne sommes pas dans une culture de l'être, mais du faire... d'où une société à flux tendu.  Faccio ergo sum a supplanté notre Cogito Ergo Sum du doute cartésien. L'Américain ne peut douter, car doute impliquerait solitude, vide et angoisse. Insupportable pour un Américain. 

Le déferlement de commentaires suite à l’article dans le WSJ sur la soi-disant supériorité des parents français, touche bien évidemment une corde sensible chez l’Américain qui dit constamment :“ I love you “ et signe ses emails de “love” qu’il envoie dans le cyberspace. Nous sentons bien la colère/douleur que cela réveille. Il ne faut pas toucher au monument ! D’ailleurs, Tocqueville ne disait-il pas à ce sujet :

“...la puissance qui domine aux États-Unis n’entend point ainsi qu’on la joue. Le plus léger reproche la blesse, la moindre vérité piquante l’effarouche ; et il faut qu’on loue depuis les formes de son langage jusqu’à ses plus solides vertus. Aucun écrivain, quelle que soit sa renommée, ne peut échapper à cette obligation d’encenser ses concitoyens. La majorité vit donc dans une perpétuelle adoration d’elle-même ; il n’y a que les étrangers ou l’expérience qui puissent faire arriver certaines vérités jusqu’aux oreilles des Américains...“

De la Démocratie en Amérique,

 

Dans mon essai : Être Française et Américaine, cristallisations culturelles, je combine mon extranéité à mon expérience de femme pour aborder les sujets qui touchent à l’enfance, la coupure sensorielle, l’addiction, le bruit, le politiquement correct, les rites de passage, le système éducatif, et tout ce que je nomme : cristallisations culturelles, qui nous renvoient bien entendu, et par ricochet, directement à nous-mêmes, pour tenter de mieux comprendre qui nous sommes.

Être Française et Américaine, cristallisations culturelles

Téléchargeable gratuitement depuis www.monsaintbaudry.fr

Version papier disponible : Harvard Bookstore ISBN 9782953744705

Cambridge, MA USA

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Un petit clin d'œil interculturel avec cette vignette bienveillante... dans ma Tribune sur l'Angelena dans L'Express d'aujourd'hui qui cite la page 316 de mon livre gratuit en ligne (1)... Je la reprends ici et j'ajoute exclusivement pour les lecteurs de New York in French la suite du paragraphe qui ne figure pas dans l'extrait publié dans L'Express et qui "nous" interpellera plus particulièrement... nous invitant peut-être à une réflexion plus profonde...

"Parce qu'elle passe sa vie à organiser et à ranger, cette obsession se lit sur son visage avec la perfection de l'alignement de ses incisives étincelantes, brillant d'un émail immaculé, et toujours affichées dans ce sourire inattaquable, irréprochable, radieux, insondable autant qu'infranchissable. C'est un Himalaya hermétique au-delà duquel vous n'êtes pas invité. Tout est déjà dit dans ce sourire justement pour ne pas vous hasarder à aller plus loin: don't even try (n'essaie même pas). C'est une redoutable barrière défensive d'un extraordinaire aplomb, face auquel le Français se trouve toujours désarmé. En matière de quenottes, le Français ne joue pas dans la même cour.
Comment faire face à un tel sourire ? Impossible d'y implanter un base camp. Quel est le sens de ce rictus désarmant ? Desarming smile? Est-ce pour cacher un manque de confiance profond ? Est-ce pour "montrer les crocs" ? C'est-à-dire que derrière ces dents blanches, se trouve une ténacité bien américaine ? Tout comme les branches d'olivier et les flèches de l'effigie du billet vert, l'aigle est prêt à négocier dans un premier temps, puis à répondre par la force dans un deuxième temps. On montre le sourire d'abord, on sort les crocs ensuite. Ou bien, est-ce pour garder la blancheur d'un émail enfantin, de dents de lait inaltérables et imperméables au temps, résistant aux attaques des sucreries et ramenant vers l'enfance à tout prix ?

En Amérique, il y a une obligation d'avoir de belles dents. Vous l'incluez dans votre budget au même niveau que votre remboursement de prêt immobilier. C'est votre première carte de visite.

Cela ne date pas d'aujourd'hui puisque ce phénomène est déjà évoqué par Henry James dans La Scène Américaine sous les termes de « sourire californien » [...] « exposant plus ou moins largement en cubes de précieux émail […]. Tout le monde, dans la « société », a de bonnes, belles, solides dents, et surtout les chérit et les entretient ; de sorte que le spectacle, qu’offrent fréquemment les autres sociétés, d’étranges protubérances, carences et caries, crocs, défenses et cavités, est absent d’une manière fort rafraîchissante et consolatrice. » James, Henry, La Scène Américaine, 1907. Minos, la Différence, 2008, page 269.

Angelena, portrait d'une Américaine par une Française

www.lexpress.fr/actualite/societe/angelena-portrait-d-une-americaine-par-une-francaise_1082380.html

http://m.lexpress.fr/pl/svt/si/lexpress/po/opfr/pa/fromweb_actualite/societe/angelena-portrait-d-une-americaine-par-une-francaise_1082380.html

(1) Être Française et Américaine, cristallisations culturelles

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La Guerre des Moms aura-t-elle (encore) lieu ?

 

Entrons dans le vif du sujet. Les thèses développées par Elisabeth Badinter dans son livre : Le Conflit, la femme et la mère, qui vient de sortir aux États-Unis, ne prendront pas dans ce pays-là. C’est un livre à charge, selon lequel les pratiques actuelles des mères américaines remettraient en question les acquis du féminisme. Une des leaders actuelles du féminisme français viendrait donner des leçons aux américaines... 

 

La Guerre des Moms n’a pas lieu d’être car les perspectives sont irrémédiablement irréconciliables. Critiquer la mère américaine en se fondant sans même s’en rendre compte sur des canons culturels français, comme le fait Elisabeth Badinter, est voué à l’échec aux États-Unis.

 

Bien entendu, dénoncer l’allaitement à la demande, prôné par la Leche League ou les théoriciens du lien, du bonding, n'aidera pas à défendre ses idées en Amérique. Ainsi, faudra-t-il s’attendre aux habituels malentendus entre nos deux pays alors que les causes sont à décrypter bien en amont pour des raisons profondément culturelles.

 

Parallèlement à la parution du livre d’Elisabeth Badinter en Amérique, la prochaine édition américaine de Time Magazine déclenche déjà une polémique en France. Les Françaises lui reprochent d’afficher en page de couverture l’image provocatrice d’une femme allaitant son enfant, visiblement trop grand. Nous verrons en quoi cela relève chez nous d’une grande méconnaissance, voire d’une myopie culturelle. Ces deux exemples démontrent en quoi il est vain d’analyser une autre culture en partant uniquement de la sienne propre. C’est dresser Brazelton, Dr. Spock, Sears, d’une part contre Pernoud, Dolto, Rufo, d’autre part. On comprendra bien entendu au passage que le féminisme est aussi culturel.

 

Les bi-culturels, que j’appelle bipolaires culturels seront capables de décrypter ce chassé-croisé et d’en désarmorcer les conflits qui n’ont pas lieu d’être.

 

Culture tefal contre culture velcro

 

C’est une évidence : la culture française est une culture de la fusion, du lien, de la liaison et de l’appartenance. La culture américaine quant à elle est une culture de la séparation, de la solitude et de l’individuation. Culture velcro contre non-stick culture.

 

La femme américaine présente certes plusieurs visages selon la catégorie qu’elle incarne et l’étiquette qu’elle endosse : dressed for success career woman, cougar, home maker, soccer mom, helicopter mom voire stealth bomber mom, etc... Quelle que soit son activité, elle sera experte et extrêmement professionnelle. Elle lira tout sur le sujet, et fera tout by the book, y compris quand elle choisit d’élever ses enfants, pour être une mère à temps plein par choix. Faisant appel à un mode d’emploi, un how to (dating process, birthing process, aging process, growing process, healing process, mourning process, dying process, etc.) On remarquera un point commun à toutes ces variantes de femmes : une formidable organisation de la vie segmentée en departments : chores, quality time, etc... La quintessence de l’Américaine est la somme de toutes ses activités. Dans une culture explicite, il faut attribuer au temps qui passe une case, comme dans un tableau Excel, et “meubler” cet espace. Le vide est insupportable. Plus elle fait de choses, meilleure elle est. The busier, the better. Peu de place au hasard, à l’intuition, à l’improvisation.

 

La Française – polychrone – elle, n’est pas dans la séparation. Elle ne se résume pas à la somme de ses activités. Elle “est” femme partout et “tout court”. Elle maintient le flou dans le tryptique - femme, mère, professionnelle. Son fil conducteur, c’est son Être et non la concaténation des stades et des activités de sa vie, life stages. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne soit pas dans l’action, mais elle ne segmente pas sa vie en compartiments étanches. Elle est dans la porosité, les vases communicants, l’infusion de tout “cela”.

 

Dans la culture française, implicite, le non-dit en dit long. Alors qu’en Amérique, what you see is what you get et tout y est explicitement managed (weight management, pain management, anger management, attitude adjustment, etc...).

 

Chaque culture étant duale, elle offre un spectacle sur scène, on stage qui est une inversion de ce qui se passe en coulisses, back stage.

 

Ainsi l’Américaine -- monochrone -- choisit d’être une full-time mom (à l’exemple d’une postponer qui a mis sa carrière en avant et sa maternité au deuxième plan, on the back burner), Non seulement elle le sera à fond, mais elle sera même encouragée à l’être full time ! Sinon, elle serait dilettante ou unprofessional. Appartenant d’emblée à une culture-téflon, non stick, la femme américaine compensera en affichant visiblement un bonding. C’est le courant actuel dit d’Attachment Parenting prôné par Bill Sears, qui fait tant bondir en France comme la polémique de la couverture de Time Magazine nous l’indique.

 

La juxtaposition d’individus nomades est déjà soulignée par Chateaubriand, dès 1830, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, il nous parle de la famille américaine en ces termes :

« L’esprit de famille existe peu ; aussitôt que l’enfant est en état de travailler, il faut, comme l’oiseau emplumé, qu’il vole de ses propres ailes. De ces générations émancipées dans un hâtif orphelinage [...] il se forme des compagnies nomades qui défrichent les terres, creusent les canaux et portent leur industrie partout sans s’attacher au sol ; elles commencent des maisons dans le désert où le propriétaire passager restera à peine quelques jours. »  

 

L’oisillon étant appelé à quitter le nid très vite, la mère américaine ne peut s’éterniser en tant que “mère-poule”. Alors couvera-t-elle excessivement ses free range chickens en devenant une hyper mom, helicopter mom, stealth bomber mom, smothering mother. En bref, l’overparenting actuel est l’équivalent moderne du mum-ism du XIXème siècle, qui comble l’absence d’attachement naturel à une culture qui prône la séparation, le sevrage, le nomadisme. C’est donc un trompe-l’œil. Le bonding est d’autant plus encouragé outre-Atlantique qu’il n’est là que pour la forme. Ne nous y trompons pas. Les Françaises s’indignant de la couverture de Time Magazine n’ont pas le code culturel nécessaire et font donc un contresens en utilisant leur grille de lecture française.

 

CDD ou CDI ?

 

Vivant dans une culture d’addiction, l’Américaine forcera la dose. C’est de l’ordre du tout ou rien, Alors ce sera tout. C’est précisément parce que la mère américaine n’est pas dans la fusion qu’elle devra tout faire dans l’excès pour sembler l’être. Cela explique le “co-dodo” ou co-sleeping,  l’allaitement on demand, le long potty training, et le lent weaning process, le flux tendu, round the clock, open 24/7 ! Pour se donner bonne conscience, elle sera mère à plein temps. C’est ce que j’appelle être mommyholic à l’instar de l’executive woman, qui doit être workaholic. Le cap des terrible twos est encouragé comme une preuve d’un caractère affirmé signifiant que désormais, il est un électron libre. On lui trouvera ensuite un Attention Deficit Disorder et on le mettra sous Ritalin ! En France, la crise des deux ans, terrible twos, n’existe pas. On s’évertuera à corriger l’enfant désobéissant qui voudrait n’en faire “qu’à sa tête”, comme s’il devait en faire à la tête des autres...

 

Le protestantisme ayant horizontalisé la société américaine, donne à chacun, male/female, indifférencié, un rôle indépendant de son sexe : home maker s’applique alors aussi bien à un homme qu’à une femme. L’Américaine qui devient maman va alors s’emparer du rôle normé de motherhood, tel un CDD, en incarnant pleinement la notion de female. Dans un pays pourtant prude, elle allaitera en public, au travail, etc..., ce qui sera politiquement correct car la lactation n’est ici qu’une fonction et le sein n'est plus sexuellement connoté. La fonction de female va alors s’emboîter et primer sur la conscience de femme. C’est de plein gré que la femelle américaine accepte d’être une vache laitière.

 

La mère française n’est pas non plus à l’abri des excès de zèle. La culture française velcro, féminine, maternante et donc attachante, lui impose de marquer symboliquement des séparations, de sevrer et de structurer avec des horaires fixes, d’envoyer son bambin “propre”, bien que trop jeune, à l’école dite maternelle. Elle ne culpabilisera pas si elle refuse d’allaiter. Choisissant le biberon, elle montrera ainsi sa capacité à se détacher de “son petit”. La mère française semble alors plus individuée dans sa féminité, s’autorisant à être et femme et mère. Mais cette émancipation est un leurre, elle est dans un CDI, un lien, une relation symbiotique à vie.

 

Culture, seconde nature ?

 

“Mais qu’est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n’est-elle pas naturelle ? J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature."

Blaise Pascal.

En Amérique, le micromanagement de l’enfant et le syndrome du nid vide ou empty nest sont de l’ordre de la résolution de problème, du problem solving, comme tout process de la vie. Puis you move on with your life. Ainsi, tout comme la Guerre des Moms n’a pas lieu d’être, l’éternel conflit mère-femme ne serait-il pas manageable ? En fait, dans la vie d’une Américaine, la maternité n’étant qu’une petite parenthèse très vite refermée, les mises en garde d’Elisabeth Badinter contre l’hyper-attachement qui sonnerait le glas des acquis du féminisme, ne trouveront bien évidemment aucun écho.  Il serait temps de sortir de notre myopie culturelle.

 

 Par Nathalie Monsaint-Baudry

Article à paraître (dans sa version abrégée) dans France-Amérique sous le titre de : La Guerre des Moms n'aura pas lieu

 

Être Française et Américaine, cristallisations culturelles, téléchargeable gratuitement depuis le site : www.pbaudry.com ou www.monsaintbaudry.fr

 

Version papier disponible sur :

http://www.harvard.com/book/etre_francaise_et_americaine/ imprimé sur les presses de : Harvard Bookstore Cambridge, MA USA

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Bon courage ou enjoy? En Amérique, il est très rare d’entendre les gens se plaindre. De retour en France, c’est le rituel du Bon courage ! qui interpelle quotidiennement. Expression pour le moins surprenante. De quel courage parlons-nous ? Je n’allais pas au front à la guerre que je sache ! L’équivalent américain dans le même contexte étant : Enjoy ! ou bien have a good one, c’est-à-dire, prenez du plaisir à ce que vous allez faire. Question de perspective. Un Français d’Amérique s'auto-censure. Bien placé pour le savoir, il ne lui viendrait pas à l'esprit de souhaiter à l'employé du supermarché good luck... Indicible, intraduisible. Good luck for what ? Do I look that bad ?

À force de nous miner le moral avec des je te l’avais bien dit ! Comme par hasard ! C’était mal parti. On n’est pas rendus. De toutes façons... fallait s’en douter. C’eût été étonnant. Fallait que ça tombe (encore) sur nous. Au train où vont les choses. Comme d’habitude. Pour qui tu te prends d'abord ? C’est toujours la même chose. Il l’a pas volé. C’est pas à nous que ça arriverait. Comme de bien entendu. De toute façon, faut pas se faire d’illusion. Comme il se doit. J’aurais dû le savoir. C’était tout vu d’avance. J’aurais dû me méfier. Et encore, c'est que l'début ! Je crains le pire... Comment ne pas déprimer avec une langue qui déprime « à elle toute seule » ? Chaque phrase est ponctuée de locutions laissant un goût d’amertume, de regret, de ronchonnerie, de rabat-joie, vous en savez quelque chose, non ? Quoiqu’on dise, quoiqu’on fasse. Ne m'en parlez pas... c'est surtout pas à moi qu'il faut dire ça !

C’est une malédiction. Vestiges des anciens dieux romains ? Païens ? Superstitions ? Paysannerie, famines, disettes, fatum ? Sapir et Whorf déjà... qui de l'œuf ou de la poule ? Infusion de notre culture et de la langue... Personne n’y échappe. Que voulez-vous que je vous dise !  Que voulez-vous que j'y fasse ? Y-a pas moyen de s’en sortir. Je vous l’avais bien dit ! Dans quoi vous vous êtes lancés encore ? Et encore, ça n'est que le début ! Vous allez voir ce que vous allez voir ! Vous n’êtes pas au bout de vos surprises... Le pire reste à venir... Et encore, je ne vous dis pas tout !

N'ayez crainte ! Un Français pourrait tenir une conversation à flux tendu, jouant sur une large gamme de small talk, faut pas se faire d'illusions, scandant des heures de malédiction, de mauvais sort, de poisse, maudissant le beau temps qu'on va finir par payer, parce que ça pouvait pas durer, que c'était trop beau, qu'est-ce-que tu crois ! Fallait s'y attendre non ? Ainsi, sommes-nous linguistiquement copieusement abreuvés de : c’est pas possible, à quoi bon ! T’avais qu'à pas… T’étais prévenu d’avance et d'abord t'aurais dû le savoir. Nous avertissant que c’est pas demain la veille que ça va changer... d'abord, ça se saurait ! Depuis le temps ! On ne va pas se refaire ! Il manquerait plus que ça...

Comment ne pas voir tout en noir avec une telle langue ? Et si nous décidions collectivement d’éliminer la plainte de notre lexique ? Essayez, ne serait-ce que sur quelques heures, de les recenser... Prêtez-vous au jeu. Au point où nous en sommes ! Nous ne sommes plus à cela près... Tout se passe comme si les mots étaient plus forts que le locuteur qui les utilise et qui tombe dans le piège de la langue. Une expression en appelle une autre... De toute façon, foutu pour foutu ! Pendant qu'on y est, allons-y gaiement... C’est pas surprenant qu’avec une langue pareille, on soit toujours à geindre. Le français serait-il vraiment une langue déprimante ? Rendant le sujet irresponsable de la phrase, comme affligé d’une poisse permanente qui aurait comme conséquence directe de faire déprimer le Français ? Mais alors, quid des Québécois et des Belges ?

Là où l'anglais dira : I am not going to lose sleep over this, le français/Français optera pour : ça va pas m'empêcher de dormir. Qui est le sujet du verbe ? Qui fait quoi ? C’est plus fort que nous... really ? Si c’est de la faute de la langue, déclarons alors une guerre quotidienne à nos expressions dépressives. Reprenons-nous, il est grand temps ! Choisissons la voie active, fuyons le passif, préférons le temps de la certitude, l'indicatif présent, voire l'impératif, décidons qu’aujourd’hui sera une bonne journée ! Arrêtons la plainte collective, embrassons la certitude. Mettons un stop à ce sport national... Vous êtes prévenus maintenant, faudra pas venir vous plaindre, y'a pas d’raison d’abord...


Nathalie Monsaint-Baudry

Être Française et Américaine, l'interculturalité vécue

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Photo credit: Laurent Bourscheidt



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