Extrait interview, Emilie Simon et sa vie a NY... on s"y croirait!

Que peux-tu me dire de ton départ de Paris ? Dans quel état d’esprit étais-tu ?J’avais envie de partir en vacances. Je suis partie à New York, sans faire de plan particulier –et j’y suis restée plus longtemps que prévu. Je me suis rendu compte que cette ville était importante pour moi, qu’elle m’apportait quelque chose : j’ai fini par décider de m’y installer. Et je n’ai toujours pas de plan précis : je pourrais tout à fait décider de déménager ailleurs, un peu plus tard.Tu parles de vacances… Tu subodorais que tu avais besoin d’une rupture, assez radicale ?J’avais besoin d’une pause, j’avais beaucoup enchaîné. Humainement, j’avais envie de penser à autre chose qu’à la musique, de faire des choses personnelles. Et au niveau musical, j’avais envie de casser les habitudes, de déconstruire, de voir s’il n’y avait pas quelque chose d’autre à faire. Le fantasme du départ me travaillait depuis longtemps. J’étais arrivée à la fin d’un cycle ; les albums, la bande originale, les tournées, beaucoup de voyages. Des Los Angeles-New York-Londres-Honk Kong : ça déstabilise. J’ai mis la musique de côté : je ne me suis pas dégoûté, mais j’ai eu envie de faire de la musique avec envie et fraîcheur. Pas parce qu’il faut faire un album, pas parce que c’est devenu une habitude d’enregistrer -on devient vite accroc à ces rythmes. J’avais besoin d’un calme intersidéral, et j’avais besoin qu’on me parle d’autre chose que de musique. Mais faire un break n’est pas si facile que ça : psychologiquement, on se demande si on sera encore inspiré quand on reviendra, on se demande si on n’a pas déjà tout dit. Mais je savais que si je ne faisais pas cette aventure, ça n’aurait plus marché.Paradoxalement, tu es allée chercher le calme à New York…Je n’avais pas besoin de campagne : je voulais une remise à zéro. Un reset. C’est comme quand tu tombes malade : ton corps te lâche, tu n’as plus le choix. Tu n’as plus qu’à laisser faire et voir où les choses mènent. Et c’est bien de le faire dans une ville comme ça : tu peux être passif, au niveau de la production, mais en même temps tu te recharges de plein de choses. La ville en elle-même est une inspiration, tu absorbes des tonnes de choses. Elle offre une énergie folle, d’abord sur un plan humain –et si tu as de l’énergie sur le plan humain, tout le reste, la créativité notamment, suit. Il y a aussi l’esprit des jeunes groupes : hyper curieux, très enthousiastes, rapidement à fond. Au niveau musical, c’est un renouvellement perpétuel. Ils ne sont pas dans l’optique de carrière, ils sont dans l’instant présent. Ca m’a fait plaisir, et du bien, d’être dans cet environnement-là. Des gens qui donnent le meilleur d’eux-mêmes, avec le sourire, sans savoir combien de temps ils seront là. Il y a une forme de surenchère permanente dans la création. Une tension créative : c’est une cocotte minute, quelque chose peut se passer à tout moment, et tout le monde se tient prêt pour ce qui peut se passer.Tu as eu peur, en partant à New York ?Il y a plein de moments de doutes, évidemment. Mais le moteur était basé sur de bons questionnements. Je n’ai pas laissé les doutes ou la peur empiéter sur le moteur. Et le moteur, le questionnement, c’est qu’est ce qui se passe quand tu perds tes repères. Quelle femme suis-je à trente ans ? Je ne devais pas me laisser distraire par les peurs et les doutes. Et je n’en ai pas vraiment besoin : j’en ai toujours eu, je me remets en question à chaque fois. Dès que je fais un concert, que j’écris un morceau. C’est constant. Mais là, le fait de me couper de mon pays, de ma famille, de ma culture, de mes amis, ça m’a permis de faire le tri entre les bons et les mauvais doute, de comprendre ce qui est réel et ce qui est illusoire, vaporeux. C’est intéressant de se confronter à ça : qu’est ce que tu fais, qu’est ce que tu es quand tu n’as plus rien, quand tu n’as plus de repères ? Qu’est-ce qui reste de toi ? Je me suis retrouvée à Chinatown, pendant deux ou trois semaines ; j’avais loué un appartement, je ne savais même pas que ce serait dans Chinatown. J’en ai d’ailleurs écrit un morceau. J’écrivais, mais sans plan ; et il me manquait l’énergie pour aller au bout. Je sentais que ce n’était pas le moment de produire.Tu connaissais du monde, à New York ?J’avais deux copains. Mais ma première réaction, à New York, n’a pas été de sortir à fond. Ca a été au contraire de construire mon quotidien, hyper simple, et de voir quelles étaient mes envies. Tu te trouves un endroit, tu poses tes valises, tu construis ta vie. Ensuite, je me suis mise à plus sortir, j’ai eu plusieurs phases…Tu t’es laissé du temps…Je n’avais pas de deadline pour l’album. J’avais des mélodies ; j’écris tout le temps. Mais je n’avais pas mis de cadre. Je m’étais imposé une règle : ne pas utiliser d’ordinateur. Toujours ce truc de désapprendre, surtout pour moi, qui suis une vraie nerd… Du coup, ça a complètement cassé mes repères, et ça a donné naissance à des mélodies que je n’imaginais pas avant. Quand tu composes sur ordinateur, ce sont des mélodies que tu vois, que tu empiles. Les mélodies que j’ai eues à un moment en tête, je me suis forcée à ne pas les enregistrer sur ordinateur. Je voulais tout casser, tous mes repères : je voulais tout simplement faire un album à l’envers. Mais pour moi, faire un album à l’envers revient à faire un album avec une méthode classique. Avant, j’écrivais sur ordinateur, je produisais, j’allais ensuite en studio avec des musiciens qui découvraient les morceaux, puis je retraitais les sessions sur ordinateur, je finissais la réalisation, je mixais, je trouvais un groupe pour la scène, et on tournait. Là, pour résumer : j’ai monté le groupe avant de finaliser l’album, pour la scène, pour y finaliser l’écriture –les morceaux n’étaient même pas finis. Je voulais que l’album ait déjà un peu de bouteille à sa sortie.Et quand meme, une petite question sur ce nouvel album hors norme et depaysant...Comment décrirais-tu ton album ? Pourquoi ce titre ?J’ai une image en tête : des montagnes russes, la nuit, avec des feux d’artifice. Quant au titre, il y a beaucoup de raisons… The Big Machine, c’est New York, mais c’est aussi mon expérience, le fait de devoir me resituer par rapport au monde qui m’entoure, une fois déracinée… Et je trouve l’énergie de cet album très positive, très massive. Il y a quand même beaucoup d’électronique, mais c’est très différent. Moi, la programmation, c’est un truc que j’adore faire, je peux en faire douze heures d’affilée, ajouter piste sur piste. Là, ce qui était intéressant pour moi, c’était de faire des choix, de resserrer tout ça. D’être moins dans la dentelle. Faire le tri, me dire que je n’ai pas besoin d’en faire douze, parce que je n’en ai besoin que d’un. Et au final, ça paraît tellement naturel que les gens, justement, considère l’album comme assez organique ; mais il reste beaucoup d’électronique, un peu d’expérimentation. J’ai voulu une sorte d’effet photo, quelque chose qui fasse plus vrai que vrai, ou un peu surréaliste. Un piano, une batterie, normalement, ça ne sonne pas comme ça.Toute l'interview disponible sur www.lesinrocks.com" target="_blank">Les Inrocks

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