vendetta

Avant de me lancer dans la rédaction de l'article, je tiens à préciser, n'est-ce pas, qu'ici le terme vendetta n'est pas celui désignant une suite de vengeances que s'infligent réciproquement deux familles méditerranéennes (corses, siciliennes ...), avec meurtres et crimes divers à la clé ... Y'a bien assez de 5 fusillades en un mois aux abords du collège pour que je me mette à dos des grands frères un peu fébriles. Non, non, il ne s'agit là bien sûr que du mot dans son acception première, italienne, signifiant vengeance, puis française, synonyme de représailles. On peut "punir" sans effusion de sang ni hauts cris ; on peut, pour tout dire, faire passer des messages sans plus ouvrir la bouche ou s'agiter partout en menaçant ... même si l'envie ne m'a pas manquée à plusieurs reprises de mettre une baffe ou un coup de pied aux fesses de certains, mea culpa .


Lors donc, force me fut de constater qu'après 6 semaines d'école, les 7*a m'avaient vaguement laissée faire un semblant de cours à deux reprises seulement, et encore parce que je m'étais attachée à parler aussi fort que possible, à m'adresser à ceux qui suivaient et voulaient participer, et en faisant fi d'un bruit ambiant et d'une atmosphère pourtant insupportables. Cela ne fut possible que parce que les "em***eurs", ces fois-là, devaient être un peu fatigués ... certains, d'ailleurs, avaient vaguement participé tout me balançant en pleine figure que de toute façon, je n'étais pas leur ancienne prof de français, et qu'ils ne voulaient qu'elle, point barre. J'avais tenté de leur expliquer qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie, et que l'école c'était fait aussi pour ça : leur enseigner à gérer une situation qui ne leur plaît pas, apprendre à subir certaines contraintes acceptables, s'adapter. Maintenant que j'y pense, je souris en me remémorant leurs yeux de merlans frits et le silence inhabituel qui suivit cette petite diatribe. Une fille avait fini par croasser un "We want Miss Chose back" ("On veut que Miss Chose revienne"), ce à quoi je n'avais pu que répondre "It's not my responsibility, so now, deal with the situation" ("Je n'y suis pour rien, alors maintenant, gérez")


Ce qu'ils ont fait ... de la pire des manières : vendetta!


Haro sur Miss Marie!! A mort cette bonne femme originaire d'un pays sous-développé (ouiiiiiii!!! Les questions que j'ai pu entendre!! "Do you have electricity in France?" étant la plus dramatique ...).
Que cette sorcière s'étouffe dans ses prétentions!!

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Fort bien





.Après avoir tenté de faire donc fi des perturbateurs (euh .... 75% des effectifs, quand même ... pi c'est trop dur, ça demande un sens de l'abnégation que je n'ai pas), le cours multi-individuel (tu passes de groupes en groupes pour leur faire entendre ou lire un truc .... je te raconte pas tout ce qu'il se passe dans ton dos pendant ce temps), l'abandon pur et simple (je m'assois et j'attends, je lis, j'écris ...), la présence d'un mentor le jeudi (qui n'a strictement rien changé, ce qui m'a quelque peu rassurée) et je ne sais plus quoi d'autre, j'ai opté pour le cours ennuyeux à mourir MAIS évalué. TOUT est évalué : le comportement, l'exécution des consignes, les activités. Et TOUT est par écrit ... queudalle d'oral.


J'ai préparé un "chouette" diaporama - puisque dès que tu branches l'ordinateur sur le smartboard, ils jettent un œil. Pas de bol (et c'est la 3ème fois avec cette classe!!), la technique me lâche dès le début du cours ; une prise est tordue, on ne peut pas connecter l'ordi au smartboard, tout bêtement. Après avoir appelé les techniciens (qui ont mis 20 minutes à descendre, plus 20 autres minutes à réparer et tout "reloader", 20+20 = 40 minutes = une période de cours, ok?), j'ai pris mon plus beau marqueur, et j'ai recopié au tableau un résumé du pourquoi du comment. L'air de rien, ils lisaient, certains à voix haute ; en même temps, d'autres me hurlaient dessus : "Pourquoi vous l'écrivez??? Pourquoi vous ne nous parlez pas??". J'ai fait un geste pour attirer leur attention sur le bruit puis sur la phrase "Toute langue vivante se parle et pour cela, il faut qu'on puisse s'entendre ...". Rien à faire, "on" m'a fait comprendre que je leur manquais de respect, toussa ... Boudiou, rien à fiche, je continue!! Je note que les report cards (bulletins de mi-semestre, si j'ai bien tout suivi) et donc les évaluations, c'est pour tout de suite, et dessine un petit bonhomme épouvanté. Quelques-uns rient (pétard, j'avais un super smiley pour ça dans le diaporama!), d'autres me fusillent du regard, et d'autres encore font genre "rien à foutre" (oui, oui, c'est ça oui). Imperturbable j'annonce la couleur par stylo interposé : vous avez UNE minute pour prendre deux feuilles et un crayon (et ça c'est un challenge, croyez-moi! Dans toutes les classes,vous pouvez être sûrs que la moitié d'entre eux n'a absolument aucun crayon ou stylo!).


Vous avez CINQ minutes pour copier cette leçon (et j'évalue le fait que vous copiez effectivement cette leçon), et sinon, c'est ZÉRO.


Vous avez HUIT minutes pour faire cet exercice ; vous avez parfaitement le droit d'utiliser la leçon que vous venez de copier. Tout bavardage ou tentative de copiage / tricherie vous enlève des points. Il n'y a aucune question à poser, la consigne de l'exercice est claire.


Ma mentor Ja est rentrée dans la salle au moment où j'attaquais le recopiage de leçon. Elle m'a avoué plus tard qu'elle avait cherché des yeux le deuxième adulte qui forcément devait être là, vu que la classe était plutôt posée , mais j'étais seule ... Tout comme moi, elle déplore de devoir en arriver là, mais tout comme moi, elle trouve que ça les a calmés.


End of the story.


Ils savent qu'il en sera ainsi jusqu'à ce que j'estime qu'ils se montrent un peu plus mûrs, un peu plus "normaux", un peu plus respectueux, un peu plus .... bref!!


Je sais qu'ils vont continuer à faire du bruit, tenter de me déstabiliser et surtout, me jeter des regards haineux. Mais il ont déjà compris que je notais TOUT (en plus depuis un mois, j'en ai envoyé un bon paquet en colle, ils le savent bien ...), et que dans deux semaines, je rencontre leurs parents.


Notre histoire d'amour n'est pas encore née ; elle ne naîtra peut-être jamais. Mais moi, je ne suis pas payée à rien faire, d'une.

Et je ne suis certainement pas payée pour me faire démolir, cracher dessus, insulter * ....
Et même sans ces histoires de salaire, il n'est pas question de se faire traiter de la sorte, ni de laisser ces gamins s'enfoncer dans l'abject, le n'importe quoi, ni d'empêcher ceux qui essayent d'accéder au savoir qu'ils désirent (ça, c'est ce qui me révolte le plus dans l'histoire!!)

Ils feront du français, quoiqu'il arrive.

.

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J'ai dit.






* NB : l’expression « cracher dessus » n’est pas à prendre au sens littéral, c’est juste l’expression d’un sentiment. En revanche, je nepeux pas jurer qu’ils ne m’ont pas déjà insultée, mais bon, pas en faceen tout cas.

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Comments

  • Chapeau ! il vous en faut pour tenir le coup franchement... j'ai bien aime votre texte !
    Cordialement.
    W
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