Lu sur NouvelObs.com ce matin. Jean Daniel était à la conférence sur Camus à NYU le 9 avril quand le passé l'a rattrappé. Lisez l'article, et vous comprendrez...






En juillet 1961, le fondateur du Nouvel Observateur a été blessé par des tirs de l'armée française à Bizerte, en Tunisie. Unerécente rencontre à New York a fait ressurgir ce passé.

"Un Appel de Jean Daniel

En juillet 1961, le fondateur du Nouvel Observateur a été blessé par des tirs de l'armée française à Bizerte, en Tunisie. Une récenterencontre à New York a fait ressurgir ce passé.


Voici un appel dont j'espère de tout mon cœur qu'il atteindra celui, encore inconnu demoi, à qui il est destiné. Je me trouvais la semaine dernière à New Yorkinvité par la maison française de l'université pour participer à uncolloque sur Albert Camus. A la fin de ma conférence, un homme est venuvers moi de fort bonne allure, grande taille et visage ouvert. Il m'afait l'honneur et l'amitié de lui dédicacer un de mes livres qu'il avaitrapporté de France. Il y avait beaucoup de monde autour de nous. J'aitrouvé une petite table pour faire cette dédicace et, à peine avais-jeécrit le nom du destinataire, que ce dernier m'interpellait : "Juillet1961, cela ne vous rappelle rien ?" Oui, cela me rappelle quelquechose ! Et pour cause ! C'était Bizerte, la ville assiégée où j'avaisété gravement blessé par des éléments de l'armée française. Il me dit :"Eh bien, moi aussi ça me rappelle quelque chose. Et j'y pensecertainement aussi souvent que vous car j'étais dans les parachutisteset on m'avait chargé d'une mission de reconnaissance aux commandes d'unpetit avion. Entre les tours tunisiennes et les abords de l'amirauté,j'ai aperçu de jeunes civils dont vous étiez et j'ai communiqué cetteinformation à l'un des chefs de tank qui était en position aux limitesde l'amirauté. Ce chef a aussitôt décidé de tirer, sur votre groupe quiétait constitué par quelques civils énervés. J'ai eu ensuite le récittel que vous l'avez fait plusieurs fois dans vos livres et vos articles.J'ai appris à vous connaître, c'est-à-dire à comprendre celui dontj'avais failli provoquer la mort. Je vous connaissais sous un autrejour. Depuis, j'ai lu tous vos articles et tous vos livres. Je faisattention à tout ce que vous écrivez, mais je voulais que vousconnaissiez mon remords d'être responsable de votre année desouffrance". Il y avait du monde autour de nous, beaucoup de bruit et debousculades et je lui ai demandé si à l'époque, quand il nous avaitrepérés, s'il avait une idée de qui nous étions. Il m'a répondu qu'ilfallait que l'on parle de ça davantage et que c'était compliqué. Je luiai alors demandé avec insistance si le chef de tank qui étaitresponsable du tir savait qui il visait et que c'était bien un Françaispartisan de l'indépendance algérienne qu'il voulait atteindre. Il m'arépondu qu'il fallait qu'on en parle, qu'il y avait trop de monde etque, si je voulais il serait là le lendemain. Il n'est pas revenu.Comme j'avais écrit la dédicace-, je connais son nom que je ne vaisévidemment pas publier. Mais si cette missive, par les moyens magiquesdu site, pouvait l'atteindre lui ou un de ses amis, je seraisextrêmement heureux d'avoir de ses nouvelles. Nous pourrions prolongerla conversation. Et puisqu'il est devenu un compagnon de mes écrits, unecorrespondance ou une rencontre pourrait être d'une grande richesseémotive et informative.

Jean Daniel"

12:58Publié dans Courrier
E-mail me when people leave their comments –

You need to be a member of New York in French to add comments!

Join New York in French

Comments

  • J'etais absourdie en lisant cette histoire. Est-ce que Jean peut rechercher ce monsieur sur l'internet et lui contacter? C'est effrayant de confronter ta mortalite et la personne qui a failli te tuer!!!!
This reply was deleted.

Visit our bookstore

 

 

Visit our store

Learn French