Source: Mon Chemin MédicalFOR THE ENGLISH VERSION OF THIS ARTICLE, PLEASE CLICK HERELundi, le 25 janvier 2010Je suis revenu d’Haïti il y a deux jours. J’y ai été pendant une semaine en tant que membre d’une équipe d’urgences qui s’était rendue à la ville de Carrefour pour soigner les victimes du fil de secousses qui ont catastrophé le pays. Des rebondissements inattendus à l’égard de nos projets ont fait que j’ai passé plus de temps à Port-au-Prince qu’à Carrefour, alors, j’enregistre ici-bas mes impressions surtout du capital haïtien afin de fournir à mes amis et mes proches un compte rendu de mes expériences.Bref et tout d’abord, quelques mots sur les médias. Puisque la fonction des médias ne se limite pas qu’à la dissémination des nouvelles, il me semble essentiel que le téléspectateur garde à l’esprit qu’en modelant leurs reportages, toute chaîne de télévision a pour objectif ultime de divertir suffisamment l’audience afin que celle-ci ne quitte jamais ladite chaîne. Sans même tenir compte de l’effet des partis pris, des arrières-pensées et d’autres penchants politiques, il en résulte forcément une perversion de l’actualité qui, certes, tient l’audience au courant des nouvelles, mais qui mal renseigne le consommateur des infos. Je conseille donc au consommateur de se demander toujours, en regardant les nouvelles, si tout ce qu’il voit sur la télé est fiable et représentatif de ce qui se passe en réalité, et encore pourquoi les infos lui parviennent de la manière que sa station de télévision les lui donne.Carrefour :Chose ironique, quoique l’équipe dont je faisais partie se soit installée à Carrefour pour y opérer notre centre médical temporaire, je n’y ai été qu’à la fin du dernier jour à cause des défis logistiques auxquels j’ai fait face à Port-au-Prince. Ma tante et moi nous y sommes rendus afin de procurer des fournitures médicales desquelles notre équipe avait gravement besoin, tout en rendant visite à un parent, qui avait été terriblement touché de manière psychologique par la perte d’un autre proche, pour donner à celui-là du soutien émotionnel. Je dirai plus sur le voyage à Port-au-Prince ci-dessous.Quant aux quelques patients que j’ai vus à Carrefour, ce qui m’a touché le plus était combien les problèmes de santé qui s’étaient produits à cause des tremblements de terres se sont chevauchés sur les maladies chroniques desquelles le peuple souffrait avant qu’il n’y ait aucune secousse. J’ai vu des gens avec plusieurs sortes de blessures ouvertes qui suppuraient et des infections aiguës et d’autres maladies infectieuses. Les patients à Carrefour ont démontré jusqu’à quel point on a énormément besoin d’antibiotiques en Haïti.Selon tout ce dont j’ai entendu parler par les autres membres de mon équipe, le point culminant de la mission à Carrefour aurait été une césarienne en plein air avec rien qu’un scalpel qui aurait sauvé la vie d’une mère tout comme celle de son nouveau-né. Donc, au milieu du désastre et du chaos total, on a eu la chance d’assister à un miracle et d’apercevoir le savoir-faire d’une chirurgienne jubilante toucher le sommet.Port-au-Prince :En général, la ville est complètement détruite. D’innombrables maisons et immeubles se sont effondrés. Pas mal de ceux qui sont encore debouts se penchent vers leurs voisins, ayant l’air de menacer qu’ils se joindront bientôt aux décombres des anciennes structures qui n’ont pas pu supporter les premières secousses. Pour moi, qui n’ai pas grandi en Haïti, j’ai vu les dégâts de la catastrophe avec un œil plutôt objectif, tout en manquant d’éprouver la profondeur de tristesse que j’ai vu subir ma tante, laquelle voyait, en plus d’une catastrophe, la destruction démoniaque du chez-soi qu'elle connaissait. En ce qui concerne les cadavres, je n’ai vu que les jambes d’un seul, le corps duquel avait été fourré dans un sale sac en blanc grisâtre et tâché de poussière et sang. Le pauvre avait les orteils écrasés et saignés, résultat d’un traumatisme subit lors de la tombée d’un building, sans doute. Chez ma tante, laquelle je nommerai ici « L », et qui avait transformé sa maison en centre de soins médicaux, j’ai vu une jeune fille âgée de dix ans plus ou moins, qui avait le pouce de la main gauche complètement écrasé, outre un œil saigné et une blessure de tête. Lorsqu’on lui avait fait submergé le pouce dans du peroxyde d’hydrogène, elle n’a rien senti, ce qui a laissé croire qu’il faudra bientôt l’amputer – avec ou sans anesthésie selon la disponibilité des fournitures.J’ai éprouvé directement les défis qui empêchent l’arrivée efficace du secours. D’abord, il y a une grave pénurie de communication, situation que l'on résout peu à peu, mais qui continue à rendre très difficile le travail des équipes humanitaires. Il y a des problèmes de sécurité, ce qui faisait toujours partie du quotidien haïtien au fait, mais qui, suite aux secousses, ont beaucoup empiré. Ces problèmes de sécurité rendent très difficile la tâche de se rendre où que se soit à n’importe quelle heure, mais surtout après le coucher du soleil. D’ailleurs, la peur des port-au-princiens face à la série de secousses secondaires qui saisissent la ville chaque quelques jours force ces premiers à dormir à l’extérieur de leurs domiciles. C’est-à-dire que ce ne sont pas que des nouveaux et des anciens sans-abri qui dorment dans la rue, alors on a vraiment du mal à se déplacer la nuit.Je pars ici dans une petite digression anecdotique pour démontrer combien le statut des choses au capital – et dans le pays en général – entrave l’efficacité des efforts humanitaires. Le matin de jeudi, ma tante et moi sommes allés au bureau de notre parente « L » à Port-au-Prince afin de réquisitionner les médicaments et fournitures hospitalières susmentionnées ; « L », médecin de formation, est hautement placée en matière de la santé publique et la gestion des efforts humanitaires dans le pays, ce qui aurait dû beaucoup faciliter le processus. Pour que le parcours de là ou nous étions logés jusqu’à son bureau soit fait en sécurité, « L » nous a fait chercher par un autre parent accompagné de deux amis, l’un comme chauffeur, et l’autre en tant que garde du corps et donc armé. On est arrivés à son bureau, ne sachant pas que nous allions y rester trois heures environ avant que la réquisition soit achevée. Enfin, avec celle-là en main, nous nous sommes rendus chez « L » pour voir les patients dont elle prenait soin, après quoi nous avons rendu visite au parent dont j’ai parlé au début. Cependant, mon cousin et son ami sont allés rassembler nos fournitures. Ces derniers sont rentrés deux heures plus tard, les mains vides ; il s’est avéré que le dépôt d’approvisionnement avait déjà fermé, et qu’il fallait donc s’y rendre le lendemain matin. En outre, puisque le soleil était sur le point de coucher, on n’a pas pu trouver un chauffeur prêt à nous conduire à la base de notre équipe. En fin de compte, on a dû rentrer chez une tante, et y rester le soir, tout en ayant raté un jour de soins à Carrefour, et n’ayant obtenu jusqu’à présent aucune fourniture, ni aucun médicament non plus.Le lendemain matin, on s’était trouvés encore isolés puisque mon cousin, qui aurait dû être notre chauffeur, avait dû partir pour aller chercher une autre équipe de médecins à l’aéroport Toussaint L'Ouverture. Forcés à nous débrouiller, ma tante et moi avons dû marcher chez mon oncle où, chose chanceuse, mon père avait garé sa voiture à la fin de son séjour en Haïti l’année dernière; ensuite, on est allé voir un autre parent, directeur d’une école qui avait été construite par l’oncle de mon père, et celui-là nous à fourni un chauffeur et un portable pour faciliter notre chemin. On s’est rendu le plus vite possible au dépôt où, en dépit d’une menace qu’il faudrait encore 24 heures pour rassembler les médicaments et la provision, on a réussi convaincre les représentants de l’OMS de nous les donner sur place, et enfin notre chauffeur nous a ramené à Carrefour, où j’ai pu finalement participer aux soins médicaux avec notre équipe en tant que traducteur. Il a fallu donc presque deux jours pour achever un projet qui n’aurait dû prendre que quelques heures.Revenant aux moutons… Malgré le chaos, la solidarité internationale est sans précédent et se fait sentir partout. On voit surtout les militaires états-uniens, ainsi que d’autres militaires, remplir de plus en plus les rues et les coins de la ville, ce qui donne l’espoir que la question de sécurité sera bientôt résolue. On voit de plus en plus les drapeaux et les emblèmes des USA, du Canada, de la France, de la Suisse, l’ONU, de l’OMS, des MSF, de la Croix Rouge, des Médecines du Monde, etc. Il y a donc de raison pour espérer et pour croire qu’Haïti se récupérera.Je ne dirai pas grand-chose ici à propos des pertes subies par ma famille – il suffit de dire que quelques uns de nos parents sont soit morts, soit perdus, soit sans-abri. La catastrophe nous a dévastés. On est quand même reconnaissants pour ceux qui sont encore en vie et nous sommes tous dévoués à nous en remettre ainsi qu’à la reconstruction de notre pays.Quant à moi, je suis content d’être rentré à New York, mon autre chez-moi – mais c’est sûr que je ne me contenterai pas de rester ici longtemps… Haïti a besoin de moi et j’ai besoin de m’y rendre bientôt.
E-mail me when people leave their comments –

You need to be a member of New York in French to add comments!

Join New York in French

Comments

  • Merci de ces infos... et puis ta page est tres belle!
  • Merci de ces renseignements. Je vois que Haiti a besoin de médicaments et de nourriture plus que d'argent liquide.
This reply was deleted.

Visit our bookstore

 

 

Visit our store

Learn French