3438654142?profile=original          L orsque j’entre le lundi matin dans la classe de First Grade, les enfants sont assis impeccablement, plongés dans la lecture d’histoires en anglais. Ils sont très tranquilles et vont s’aider mutuellement à préparer leurs affaires pour le cours. Sur les murs de la classe de First Grade - comme dans toutes les autres – on peut observer un alphabet français et un alphabet anglais, l’un au-dessus de l’autre. Les alphabets sont respectivement en vert et en bleu, les mêmes couleurs utilisées en Kindergarden pour distinguer les deux langues. Les règles de la classe sont également affichées dans les deux langues, en traduction.

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Les enfants commencent leur premier exercice du matin : souligner les voyelles. J’ai assisté à leur cours sur les voyelles en Kindergarden en français, je les vois maintenant les mettre en pratique en First Grade. Les enfants sont ainsi habitués à jongler entre les deux langues en permanence : alphabet en anglais / voyelles en anglais, alphabet en français / voyelles en français. En Kindergarden, Madame S. les avait prévenus des différences entre les deux alphabets. Les voyelles anglaises sont A, E, I, O, U – comme en français – et Y mais seulement parfois. « Pourquoi seulement parfois ? » avait demandé M. étonnée. « Vous y reviendrez », l’avait rassurée Mme S.

Grâce aux « Phonic Workbooks » et aux « Cahiers de sons de Kimamila » en français, les enfants apprennent à reconnaître les signes de l’API et à tracer les lettres correspondantes tout en associant les mots aux images. Il s’agit d’un exercice qu’ils entreprennent déjà en Kindergarden et qu’ils continuent en First Grade.  Je les regarde pendant qu’ils apprennent à écrire le phonème [ai] dans différents mots : « maison », « saison », « lait ».

Le matin est habituellement réservé au français, l’après-midi, à l’anglais et surtout aux maths. Les tests envoyés par l’Etat de New York accordent une place importante aux mathématiques donc il faut s’y mettre. Les maths méritent un discours à part puisque elles sont enseignées à la fois en anglais et en français. Plus précisément, le texte de référence est en anglais, mais le professeur veille à traduire les opérations et à insérer des expressions françaises lors de la correction des exercices au tableau. Par ex. l’expression « Ten more than 44 » est traduite par « 10 de plus que 44 » et les enfants apprennent à nommer les soustractions et les additions dans les deux langues. La date s’écrit rigoureusement, tous les matins, en français : « Nous sommes le 44ème jour d’école », dit M. R.

La première partie de la matinée est réservée à l’ « Independent Reading ». Les enfants choisissent un livre qui les intéresse et consacrent un moment de la matinée à la « lecture indépendante ». Il s’agit d’un choix libre qui concerne et le livre et l’endroit où se consacrer à sa lecture, sans contraintes. Cela leur donne une opportunité de découvrir tous seuls de nouveaux livres. Ils sont également encouragés à lire en français à travers des livres on-line qu’ils consultent à la maison, à différents niveaux, sur la plateforme Raz-Kids.

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J’observe ces modèles pédagogiques avec beaucoup d’intérêt, persuadée qu’il s’intègrent très bien dans une éducation bilingue. C’est le cas de la « Visual Thinking Strategy », une stratégie d’éducation visuelle qui naît d’une intuition développée au sein du Museum of Modern Art de New York. Elle concerne les images et la façon de les appréhender. Savons-nous vraiment « regarder » ? La Visual Thinking Strategy repose sur des discussions ouvertes mais très structurées. Elle s’articule autour de trois questions :

What’s going on in this picture?

What do you see that makes you say that?

What more can you find?

A’ travers l’image, les enseignants aident les élèves à développer leur capacité critique et leur expression orale. J’assiste à une session de VTS en anglais en First Grade. Il s’agit d’un petit test individuel. Trois enfants sont assis l’un après l’autre devant une image projetée sur le tableau par un ordinateur : un homme à cheval dans une rue de New York.

Il est intéressant de constater comment les enfants réagissent de manière très différente. Certains ne voient au début que des éléments très simples (homme, cheval, rue) pour ensuite mieux se concentrer en ajoutant des détails. D’autres partent directement dans une description détaillée de la race du cheval, de l’état d’âme de l’homme, des magasins, du temps qu’il fait, de la température. L’échange entre les enfants est très productif et permet de développer la capacité de chacun d’exprimer son point de vue. Je constaterai, par la suite, que les Visual Thinking Strategies sont adorées par les élèves de Second Grade qui se consacrent à des débats vifs et mêmes très complexes à propos des images proposées. L’habitude des enfants à engager des débats très structurés doit sûrement être un fruit de cette pratique.

Au sein du Dual Language Program, certaines stratégies éducatives sont utilisées pour activer chez les enfants le mécanisme du changement de registre, le passage d’une langue à l’autre, sans que les enfants ne s’y attendent vraiment. Chanter est un des moyens utilisés. Les enfants enregistrent des expressions typiquement françaises sans même s’en rendre compte. D’autres exercices portent sur la répétition constante des mêmes expressions : « Je suis… » ou « J’aime… ».

Pour les activités de classe les élèves sont divisés en petits groupes. On retrouvera cela en Second Grade où les groupes reflètent les différents niveaux de français. Une différentiation implicite se fait, en outre, lors de certains exercices, comme lorsque M. R. les invite à décrire leur qualités. Les enfants sont libres de s’exprimer dans la langue qui leur est la plus familière. Les non-francophones dans un premier temps peuvent écrire en anglais. Ils sont ensuite aidés par le professeur dans la traduction et amenés à s’exprimer en français. Leurs phrases en français sont imprimées et découpées pour qu’ils puissent faire un collage en remettant les mots dans le bon ordre. Ainsi, ils écrivent : « Je suis une bonne skateuse », « Je suis un acteur » ou « Je suis un bon dessinateur ».  

Sur les 21 élèves de la classe de First Grade, 8 ont au moins un parent francophone. Deux tiers des enfants sont hispanophones mais il y a également quelques enfants d’origine italienne ou polonaise. Les enfants provenant du système français s’adaptent très vite au DLP, me confirme M. R. grâce à l’efficacité du programme mais aussi grâce à l’interaction entre les élèves. Un petit décalage se crée entre les élèves anglophones qui ont déjà appris à lire en Kindergarden et les élèves francophones pour qui la lecture commence en CP. Ce qui, dans ce jeu d’alternance constant, n’est pas nécessairement un mal. Un enfant anglophone issu d’une année de Kindergarden dans le Dual Language Program, sait lire en français avant les francophones mais les francophones pratiquant le français à la maison disposent de tous les instruments pour récupérer très vite. Cela a plutôt l’effet positif de déclencher des mécanismes de solidarité et une attitude de coopération entre les enfants.  Un moteur clé pour la réussite du Dual Language Program.

Je le remarque en observant l’interaction entre les enfants. G., un français qui vient d’arriver à New York et U., un enfant qui est déjà parfaitement bilingue sont assis à côté de moi. G. me dit : « Ma maman m’a expliqué que quand il y en a plus d’un, alors il faut mettre un ‘s’ ». Je lui réponds : « Bravo ! Tu sais que c’est comme ça en anglais  mais aussi en français ? » (sauf exceptions, je pense sans le dire). U. intervient : « C’est comme ça en Espagnol aussi ! ». Je suis étonnée par la rapidité avec laquelle ces enfants sont capables de faire des parallèles entre les langues. Je lui demande à U*** s’il connaît bien l’Espagnol. « Oui, je vais à l’école d’Espagnol après ça. Je suis français, anglais et espagnol ». G., de son côté, tient alors à préciser qu’il sait compter en Anglais, Français et en Italien jusqu’à 40. U dit savoir compter jusqu’à 50… Voilà encore un petit ‘fight’ sur les compétences linguistiques.

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