Jeudi, j’ai envoyé valser mes oripeaux de prof échevelée, luisante, frustrée ; j’ai enfilé mes habits de lumière (un pantalon rose pâle, un T-shirt noir et un très joli collier multicolore), j’ai vidé mon sac - à main - n’y gardant qu’un peu d’argent, des cigarettes et la carte de métro, direction le Terminal 5 dans la 56è ouest. J’ai vidé ma tête, et je m’élance dans les rues d’un New York by night très très humide (il pleut depuis mardi) et chaud.
Par l’express D je suis à 59th street / Columbus Circle en moins de 10 minutes, et j’ai calculé qu’il me faudrait un peu moins d’un quart d’heure à pied pour rejoindre Vic. devant la salle de concerts.
L’air est lourd, chargé d’humidité, et je réalise que New York est plutôt sale … et surtout, New York pue … grave. Les poubelles exhalent … leurs traces diffusent, ça sent le poisson pas frais, le chou plus très fleur, la pisse de rat … l’imaginaire prend le dessus …L’air est saturé d’odeurs rarement agréables … Et les climatiseurs qui tournent à fond, outre de créer en
certains endroits un bruit de fond extrêmement prégnant, vous balancent ici et là tantôt une giclée d’air chaud, tantôt une gifle d’air glacé sans âme, sans identité. Certains quartiers ne doivent jamais entendre le gazouillis des oiseaux, le bruissement des feuilles dans une brise quadrillée, le ploc ploc d’une fin d’orage … Shame …
Je dégouline, j’ai l’impression d’être au Sri Lanka (désolée, c’est ma seule référence tropicale vécue), tant pis, je fonce …. mais je m’arrête à chaque avenue que je traverse, en plein milieu, pour me fondre dans les perspectives de ces chemins tracés droits jusqu’à l’horizon. Voilà l'une des nombreuses choses que j’aime ici, cette géométrie apparemment implacable qui t’offre une plongée parfois vertigineuse jusqu’à l’autre bout de Manhattan … Je reste plantée là, toute petite géante, un vague sourire aux lèvres et les mirettes en
cinémascope.
Je repère le Terminal 5 d’assez loin car il y a du monde. En attendant Vic., j’apprends que la salle peut accueillir jusqu’à 3000 personnes, et que pas mal de billets ont été vendus. Durant trois secondes je panique quand on me demande une « aïdi » (ID, pièce d’identité) – j’ai laissé mon passeport à la maison, pas envie de le perdre! En fait c’est pour avoir le droit de boire de l’alcool à l’intérieur. Je fronce imperceptiblement les sourcils … je suis venue m’amuser un peu ou quoi … Mais je compte sur un peu de blabla et un peu de chance pour rattraper la situation une fois dans les locaux.
Quand Vic. arrive, « djizeuss« !, elle est prise en charge plutôt agressivement ; c’est qu'elle est en fauteuil roulant, et les agents de sécurité de la salle s’empressent de la faire rentrer illico et d’aller la placer à un endroit réservé … qui se trouve être sur la gauche de la scène, dans une bande d’un mètre cinquante de large. On la « range » à côté d’un femme enceinte et d’un gars à la jambe cassée, et nous continuons notre conversation à distance, moi de l’autre côté de la barrière. Un agent de sécurité finira par me faire passer de l’autre côté, juste après que j’aie obtenu un verre de bière au bar - lucky day, lucky me Quand les 7 membres de Gotan Project arrivent sur scène, force est de constater que Victoria ne voit rien du tout, alors avec l’assentiment des gardes, on se rapproche encore, près d’une sortie de secours, tout près de la scène.
Bon, c’est qui Gotan Project?
Et c’est parti mon kiki pour une bonne heure et demie de mélanges osés et réussis de rap/tango, electro/blues/tango, tango/dance … J’ai le sourire tout du long, façon lift express du triple menton, je danse, je crie et je bats des mains. C’est coloré, c’est gai, parfois tristoune, de ces languissements argentins fondus dans un riff blues.
Je vous laisse une partie de la bande-son de mon jeudi soir, qui me permit de boucler un premier mois entier ici, lui aussi gai ou tristoune, épicé métissé
Enjoy
Et celle qui reste ma préférée, celle qui m’a amenée à eux, je ne sais même plus comment. Jeudi soir, un vrai bonheur sur scène, et de voir les musiciens physiquement présents, se caler sur les deux rappeurs filmés il y a longtemps et projetés sur grand écran … yo!
Pour la version album (toutes les vidéos on été désactivées),clic ICI, ça vaut la peine