pour Le Monde.fr | 13.10.10 | 09h58 • Mis à jour le 13.10.10 | 16h51
Par quel miracle le nombre de francophones dans le monde est-il passé de quelque 200millions de personnes en 2007 à 220 millions de personnes en 2010,d'après le dernier rapport de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), publié mardi 12 octobre ?
Pour la première fois, répondent les dirigeants de l'OIF, leur jeune Observatoire de la langue française a pu se fonder, non plus sur desévaluations parfois sommaires, mais sur des sources statistiques, desenquêtes nationales ou internationales et, quand elles faisaient défaut,sur des études ad hoc menées par des organes de la francophonie.
De plus, outre les 70 pays membres de l'OIF (dont 14 pays dits "observateurs"), ont aussi étécomptabilisés les francophones d'Algérie (évalués à 11,2 millions depersonnes), ceux des Etats-Unis (2,1 millions), d'Israël (plus de 300000 personnes) et même du Val d'Aoste (Italie, 90 000 personnes).
NEUVIÈME LANGUE DU MONDE
Dans les pays africains, seules les personnes sachant non seulement parler mais aussi lire et écrire le français ont été prises en compte.C'est l'un des facteurs qui permet aux responsables de l'OIF d'assurerque ce chiffre de 220 millions de francophones reste sous-évalué.
Le français, neuvième langue parlée au monde et deuxième langue enseignée (avec 116 millions de personnes qui l'apprennent, selon l'OIF)se développe-t-il vraiment, envers et contre l'attraction de l'anglais ?"Depuis cent cinquante ans, le français n'est plus la seule langue universelle, on a tardé à en prendre conscience, constate Frédéric Bouilleux, directeur de la langue française et de la diversité linguistique à l'OIF. Aujourd'hui, on parle le français parce qu'on en a besoin, pas seulement au niveau des élites."
D'après le rapport, le français se développe en Afrique, principalement pour des raisons démographiques, stagne en Amérique duNord, et décline en Europe, où le Royaume-Uni, par exemple, a décidé, en2004, que la langue de Molière n'était plus indispensable à l'examenfinal du cycle secondaire.
RÉGRESSION DANS LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
La régression est aussi patente dans toutes les organisations internationales et sur leurs sites, même quand le français y est langueofficielle ou langue de travail. Ainsi, constate Alexandre Wolff,responsable de l'Observatoire de l'OIF, seulement 15% des textes de laCommission européenne de Bruxelles sont émis initialement en français etservent ainsi de base de discussion avant traduction.
Dans les instances de l'ONU, à Genève, ajoute-t-il, 90% des textes sont d'abord rédigés en anglais. A toutes ces organisations ainsi qu'àcertains de ses pays membres comptant relativement peu de francophones,l'OIF tente d'imposer un "vade-mecum", rappel à la diversité culturelletimidement suivi d'effet, souvent faute de moyens.
Dans ses projections, l'OIF anticipe que l'Afrique, où vivent déjà environ la moitié des francophones du monde, en regroupera en 2050environ 85%, sur 715 millions de locuteurs, toujours en vertu de sondynamisme démographique. Et à condition que la scolarisation continue deprogresser sur ce continent et que le français y demeure une langueenseignée (le Rwanda a, lui, opté pour l'anglais).
D'où l'emphase accrue que demande Clément Duhaime, administrateur de l'OIF, dans la formation des maîtres et dans les programmesd'alphabétisation pour les pays africains, avant le 13e sommet de l'OIF prévu du 22 au 24 octobre à Montreux (Suisse).
Martine Jacot